2. La défenderesse prétend à l'allocation d'une contribution d'entretien mensuelle de 5'340 fr., illimitée dans le temps. En résumé, elle reproche à l'autorité cantonale d'avoir violé l'art. 125 al. 2 CC en ne tenant pas suffisamment compte de tous les critères énumérés par cette disposition. Hormis l'âge, il aurait en effet également fallu prendre en considération qu'elle a cessé de travailler depuis 17 ans, qu'elle a suivi son mari en Suisse, qu'elle ne parle pas le français et a beaucoup de peine à le comprendre et qu'elle ne
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dispose pas d'une formation professionnelle lui permettant de trouver un travail. La durée de l'union (23 ans), durant laquelle elle s'est exclusivement consacrée à l'éducation de l'enfant, et le niveau de vie élevé durant le mariage étaient également des éléments déterminants. En ignorant ces circonstances, la cour cantonale lui aurait imputé à tort une capacité de gain.
a) Selon l'art. 125 al. 1 CC, si l'on ne peut raisonnablement attendre d'un époux qu'il pourvoie lui-même à son entretien convenable, y compris à la constitution d'une prévoyance vieillesse appropriée, son conjoint lui doit une contribution équitable. Cette disposition concrétise deux principes: dans toute la mesure du possible chaque conjoint doit subvenir lui-même à ses propres besoins après le divorce; il doit être encouragé à acquérir sa propre indépendance économique (principe du "clean break"). Pour parvenir à cette autonomie, qui peut avoir été compromise par le mariage, l'une des parties peut toutefois être tenue de fournir une contribution pécuniaire; les époux doivent supporter en commun les conséquences de la répartition des tâches qu'ils ont convenue durant le mariage (principe de la solidarité; Message du Conseil fédéral du 15 novembre 1995 concernant la révision du Code civil suisse, FF 1996 I 31/32 ch. 144.6, 46, 115 ch. 233.51 et 117; WERRO, Concubinage, mariage et démariage, Berne 2000, nos 664 ss et L'obligation d'entretien après le divorce dans le nouveau Code civil, in: RDS 118/1999 I p. 117 s.).
Ainsi conçue, l'obligation d'entretien repose principalement sur les besoins de l'époux demandeur; elle dépend du degré d'autonomie que l'on peut attendre de ce dernier, à savoir de sa capacité à s'engager dans la vie professionnelle ou à reprendre une activité lucrative interrompue à la suite du mariage pour couvrir son entretien convenable (FF 1996 I 31ss ch. 144.6 ainsi que 116 ss ch. 233.51 in fine et 233.52; ATF 117 II 211 consid. 4a p. 215/216; ATF 114 II 301; ATF 115 II 6 et les références indiquées; STETTLER, Les pensions alimentaires consécutives au divorce, in: Le nouveau droit du divorce, Lausanne 2000, p. 149; WERRO, op. cit., nos 657 et 667 et p. 118 in RDS précitée; SUTTER/FREIBURGHAUS, Kommentar zum neuen Scheidungsrecht, Zurich 1999, n. 19 ad art. 125 CC; INGEBORG SCHWENZER, Praxiskommentar Scheidungsrecht, Bâle 2000, nos 1 et 13 ad art. 125 CC; HAUSHEER, Der Scheidungsunterhalt und die Familienwohnung, in: Vom alten zum neuen Scheidungsrecht, n. 3.02, p. 122). A cet égard, comme lorsqu'il fixe le montant et la durée de la contribution, le juge doit se fonder sur les éléments énumérés
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- de façon non exhaustive (FF 1996 I 119) - à l'art. 125 al. 2 CC. En ce qui concerne plus particulièrement la situation financière (ch. 5), il faut avant tout considérer les revenus effectifs des époux, mais aussi ce que ces derniers pourraient gagner s'ils faisaient preuve de bonne volonté ou fournissaient l'effort que l'on peut raisonnablement exiger d'eux (SUTTER/FREIBURGHAUS, op. cit., nos 36 et 40 ss, spéc. 47 ss, ad art. 125 CC; INGEBORG SCHWENZER, op. cit., nos 14 ss ad art. 125 CC; ATF 119 II 314 consid. 4a p. 316/317; ATF 117 II 519 consid. 4c p. 522, 16 consid. 1b p. 17/18; ATF 110 II 116 consid. 2a p. 117).
b) La cour cantonale a considéré que l'on peut attendre de la défenderesse, âgée de 39 ans au moment de la séparation de corps et de 43 ans (recte: 43 ans et neuf mois) lors du prononcé du divorce qu'elle exerce, à terme, une activité lucrative à plein temps. A l'appui de cette appréciation, elle s'est référée à l'état de santé, aux capacités, aux connaissances et à l'expérience professionnelle de l'intéressée, ainsi qu'à la situation actuelle du marché de l'emploi et à l'âge de l'enfant du couple (15 ans), capable désormais de s'assumer seul dans une large mesure. Plus particulièrement, elle a relevé les éléments suivants: la défenderesse dispose d'une formation d'employée de commerce, profession qu'elle a exercée pendant plus de 10 ans en Allemagne; elle maîtrise parfaitement l'allemand et bénéficie de bonnes connaissances en anglais, ce qui constitue manifestement un atout sur le marché du travail actuel.
A cela, la défenderesse objecte notamment qu'elle est proche de la limite de 45 ans posée par la jurisprudence (ATF 115 II 6), qu'elle ne maîtrise pas le français et très peu le maniement des "outils" informatiques actuels et qu'elle a cessé de travailler depuis 17 ans, occupée qu'elle était à l'éducation de son fils.
c) Certes, il s'agit là d'éléments non négligeables pour apprécier la capacité de l'intéressée à s'engager dans la vie professionnelle ou à reprendre l'activité lucrative interrompue à la suite du mariage. Toutefois, l'autorité cantonale ne les a pas méconnus ni même sous-estimés. Il est vrai que la défenderesse a exercé irrégulièrement sa profession dès 1983, pour l'abandonner en 1986, et que les techniques de travail ont beaucoup évolué depuis lors. Ces circonstances ne s'opposent toutefois pas à ce que la défenderesse entreprenne des démarches pour se réinsérer dans la branche. Il est en effet établi qu'en 1998 l'intéressée a acquis un ordinateur performant, suffisant pour l'utilisation de logiciels de bureautique et l'accès à Internet. On peut dès lors supposer qu'elle a appris à utiliser ces nouveaux instruments.
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Et quoi qu'il en soit, il est raisonnable d'attendre d'elle qu'elle se perfectionne dans leur maniement, afin de pouvoir s'en servir professionnellement. Par ailleurs, selon la Chambre civile, l'Office cantonal de l'emploi offre toute une panoplie de services pour aider les demandeurs d'emploi à retrouver rapidement une place de travail et leur permettre de suivre des cours de formation divers.
C'est en vain que la défenderesse - qui est en bonne santé - tente de tirer argument du fait qu'elle a presque atteint la limite de 45 ans posée par la jurisprudence (ATF 115 II 6) ou, du moins, l'aura largement dépassée lorsqu'elle aura terminé une éventuelle formation complémentaire. Au moment du divorce, elle avait un peu moins de 44 ans. Il est par ailleurs établi, dans le cas particulier, que nombre d'offres d'emploi fixent à 50 ans l'âge limite d'embauche. Au demeurant, lors de l'introduction de l'action, la défenderesse n'avait qu'un peu plus de 43 ans et était déjà séparée de corps depuis 5 ans. Son fils, âgé de 13 ans, ne requérait plus une présence constante (cf. ATF 115 précité, consid. 3c p. 10). Son mari avait en outre refait sa vie et allait avoir sous peu un enfant de sa compagne. Dans de telles circonstances, la défenderesse ne pouvait rester passive et aurait dû se préparer à la perspective de devoir reprendre un travail, ce d'autant plus que le principe du divorce était acquis depuis l'audience de comparution personnelle. Les changements intervenus ne lui permettaient plus d'envisager de bonne foi que le mariage perdurerait. La cour cantonale a du reste relevé que la défenderesse n'a jusqu'ici pas manifesté un réel désir de travailler et que sa capacité de gain dépend avant tout de sa bonne volonté.
Enfin, les difficultés de langue de la défenderesse ne constituent pas un obstacle à ce qu'elle trouve, à Genève, un emploi qui corresponde à sa formation. Il est en effet constant que, parmi la quarantaine d'offres d'emploi produites par le mari, certaines n'exigeaient que des connaissances orales de français. Il n'est au demeurant pas déraisonnable d'exiger d'une personne qui vit depuis de nombreuses années dans une ville francophone, et entend apparemment y demeurer, qu'elle perfectionne son français. Pour les motifs exposés ci-devant, elle aurait même déjà dû s'y appliquer.
Compte tenu de ces circonstances et du pouvoir d'appréciation du juge dans ce domaine (FF 1996 I 119), il n'apparaît pas contraire au droit fédéral d'exiger de la défenderesse qu'elle se réinsère complètement dans la vie économique dans un délai de 4 ans et de lui imputer immédiatement une capacité de gain hypothétique qu'il lui appartiendra d'augmenter progressivement selon l'échelonnement
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prévu par les juges cantonaux. La cour de céans ne saurait en revanche contrôler dans le présent recours en réforme les montants retenus à ce titre (2'000 fr., 3'500 fr. et 3'700 fr.). Si le Tribunal fédéral examine en instance de réforme la question de la capacité de l'époux à s'engager dans la vie professionnelle ou à reprendre une activité lucrative interrompue à la suite du mariage au regard des faits constatés, et le principe même du revenu hypothétique (cf. ATF 114 II 301), il ne saurait vérifier les chiffres arrêtés en la matière; cette question ressortit au fait, partant au recours de droit public (cf. ATF 126 III 10; arrêt non publié du 6 juillet 1999 dans la cause 5C.128/1999, consid. 3 et la référence mentionnée).